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Le compromis social : chimère ou accélérateur de la transformation ?

L’actualité politique invite à s’interroger à nouveau sur l’intérêt du compromis. Négocier et conclure un accord ne suffisent pas dans une entreprise pour garantir la paix sociale ou la réussite d’un projet. Sans un horizon commun et un engagement véritable des parties prenantes, le conflit ressurgira confortant chaque camp dans des positions antagonistes.  

Si le compromis revient sur le devant de la scène, les raisons sont nombreuses pour douter de sa pertinence. Quand l’urgence et la nécessité économique s’invitent dans le débat, la recherche d’un compromis paraît souvent à la fois inopportun et inutilement consommateur de temps. Pour les directions qui préfèreront consacrer leur temps aux priorités du moment, comme pour les représentants du personnel qui redouteront d’être instrumentalisés pour légitimer une décision déjà prise.

Faute d’un tiers (L’Etat, la Loi) en capacité d’imposer une solution reconnue de tous, ou de contraintes économiques qui apparaissent incontournables,  les parties prenantes doivent parvenir à trouver une solution permettant d’échapper au statu quo.

Standardisation et volonté d’alignement rendent le compromis inutile

Les grands projets de transformation des organisations menés au cours des 20 dernières années ont mis l’accent sur « l’excellence opérationnelle » en privilégiant la standardisation des processus et « l’alignement » du management pour atteindre les priorités stratégiques. Le comment était la seule question mise en débat dans les limites des contraintes imposées par les outils de gestion intégrés et le plan stratégique. Dans un telle configuration, difficile d’imaginer parvenir à un compromis entre ceux qui agissent, convaincus de leur efficacité au service de l’intérêt de l’entreprise et ceux qui « résistent » sans que l’on cherche à en comprendre les raisons profondes.

Raison d’être et association des parties prenantes favorisent la recherche du compromis

La redécouverte du pourquoi au travers des réflexions sur la raison d’être de l’entreprise ou de l’impact de ses projets sur son environnement et ses parties prenantes, créent les conditions pour que la recherche d’un compromis apparaisse comme préférable.

La tentation du passage en force pour préserver la cohérence et l’architecture initiales d’un projet est certes toujours présente au sein des comités de direction, mais la prise de conscience de la fragilité des arguments d’autorité face aux incertitudes croissantes, des difficultés de recrutement et de rétention des talents, conduisent de plus en plus à reconnaitre l’intérêt de co-construire avec les parties prenantes, voire de co-décider.

Consensus et compromis

Négocier et conclure un accord ne suffisent pas alors pour sceller un véritable compromis. A rebours d’une idée bien ancrée, il n’est pas nécessaire d’être d’accord sur l’essentiel pour parvenir à une telle solution, mais de reconnaître l’éloignement initial des points de vue (être d’accord sur le désaccord) et de matérialiser les avancées constatées au fur et à mesure du processus de négociation. Aucun des acteurs ne renonce à ses objectifs, mais ils s’efforcent de définir ensemble une approche soutenable économiquement, faisable d’un point de vue organisationnelle et acceptable socialement. Ce n’est pas un consensus impossible qui est visé, mais la poursuite de la transformation dans le cadre d’un horizon commun (réalisation d’un investissement, reconversion d’un site, nouvelle organisation du travail…).

Les difficultés de l’engagement

Beaucoup d’accords conclus dans les entreprises relèvent davantage de la concertation sur un plan d’action, que de la recherche d’un compromis qui engage dans la durée les parties prenantes. Les réticences à s’engager sont nombreuses et c’est souvent au sein de chacune des parties, ce que les théoriciens appellent l’intra-négociation, que les difficultés surgissent. Les organisations syndicales ne sont pas seules à être confrontées à des tensions internes. Les DRH en font l’expérience parfois douloureuse, quand l’ultime concession demandée par les représentants du personnel est contre toute attente refusée par leur dirigeant.

Les accords de compétitivité signés par le passé tout comme les accords de performances collectives plus récents soulignent l’enjeu du respect des engagements pris, en particulier par les directions d’entreprises s’agissant d’une clause de retour à meilleure fortune.

La valeur du compromis

Rechercher un compromis, n’est ni un renoncement ni un manque de courage, comme le pensent certains dirigeants qui soutiennent que la détermination viendra à bout des difficultés sans qu’il soit nécessaire de modifier le plan initial.

En misant sur la résignation à défaut d’emporter l’adhésion, les bénéfices attendus ne seront pas  atteints et les tensions au sein de l’organisation s’accentueront, réduisant la coopération entre les équipes. « Un chef c’est un homme qui a besoin des autres », écrivait Paul Valéry.

Dans les entreprises et les organisations anciennes où les positions des acteurs paraissent figées, le paradoxe du compromis est encore plus manifeste : il n’est jamais autant utile que quand il parait impossible !

Nicolas MADINIER
Dirigeant Fondateur de NMSC Conseil en stratégie sociale et accompagnement de la transformation