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Février 2024
Contestation sociale : les agriculteurs, les enseignants, les contrôleurs et après ?
Janvier 2024
Négociation sociale : ne pas oublier les fondamentaux !
Décembre 2022
Grève à la SNCF : l’annonce d’un social hors de contrôle en 2023 ?
Octobre 2022
Pourquoi faut-il toujours que les grèves durent pour que les négociations avancent ?
Septembre 2022
Négociation salariale : comment limiter les risques de conflits ?
Juillet 2022
Le compromis social : chimère ou accélérateur de la transformation ?
Mars 2022
Le retour des conflits sociaux dans les entreprises : comment répondre à l’ensemble des attentes des salariés ?
Septembre 2021
Reprise économique et risques de tensions sociales : les entreprises confrontées à de nouveaux enjeux
Juin 2020
Restructuration et plans sociaux : changer de méthode pour surmonter la crise économique sans exacerber les tensions sociales

Février 2024

Contestation sociale : les agriculteurs, les enseignants, les contrôleurs et après ?

Après les agriculteurs, les enseignants et les contrôleurs de la SNCF s’engagent à leur tour dans un conflit social. La colère progresse dans l’opinion sans pour autant se traduire par des mouvements de contestation d’ampleur dans les grandes entreprises. Fatalisme, résignation ? Rien n’est moins sûr. Choix de politique salariale, évolution de l’organisation du travail et style de management seront déterminants pour préserver le climat social.  

Les enquêtes d’opinion le confirment, les « passions tristes » loin de s’atténuer gagnent encore du terrain : 45% des français se disaient « en colère et très contestataires » fin 2023, ils étaient 31% en 2021. Les fractures françaises s’expriment au-delà des sujets politiques, sur les questions de pouvoir d’achat, de perspectives d’emploi et de maîtrise de son propre destin.

Le risque d’un ajustement trop rapide des politiques salariales

L’inflation ralentissant, les budgets d’augmentation salariale s’adaptent en conséquence. Mais parfois trop vite, laissant penser aux salariés en en particulier aux Cadres que les gains de pouvoir d’achat appartiennent à une époque révolue.

En entretenant une certaine confusion entre prime de pouvoir d’achat et partage de la valeur, les dispositions récentes du Code du Travail ont conduit des entreprises à abolir la frontière entre ce que les syndicats considèrent traditionnellement comme relevant de la rémunération individuelle d’une part, et des avantages collectifs d’autre part.

Généraliser une forme de « part variable » à tous les salariés en pensant qu’ils accepteront en contrepartie de renoncer à la perspective d’une progression de leur rémunération tout au long de leur carrière est illusoire. La « smicardisation » qui progresse dans certains secteurs et l’aplatissement des courbes salariales tout au long de la vie professionnelle, sont autant de risques de tensions sociales dans les années à venir.

Le difficile retour en arrière en matière d’organisation du travail

La progression très forte du télétravail à l’occasion de circonstances exceptionnelles en 2020-2021, conduit désormais certaines entreprises à tenter un retour en arrière. Le succès n’est pas toujours au rendez-vous : aux arguments relatifs à la cohésion des équipes et à l’efficacité collective, de nombreux salariés répondent en mettant en avant leur volonté de préserver leur organisation personnelle et leur autonomie.

Pour les activités soumises à des cycles, il est désormais fréquent que le retour à des rythmes de travail plus contraignants, pour répondre à des commandes supplémentaires ou rentabiliser de nouveaux investissements, s’accompagnent d’absentéisme et de résistances au changement.

Les arguments d’autorité ou de nécessité économique ne suffisent plus à convaincre. Un nouveau compromis est à trouver entre logique économique et contraintes personnelles, qui nécessite de réduire le degré d’incertitude auquel sont confrontés de nombreux salariés. « Si mon emploi peut disparaître demain pourquoi faire un effort aujourd’hui ? »

Besoin d’autorité, refus de l’autoritarisme

Considérant l’évolution de l’opinion sur les questions d’autorité, certains dirigeants cèdent à la tentation de s’affranchir de la concertation sociale, convaincus de leur légitimité et de leurs compétences. Accélérer la transformation des organisations ne peut réussir en renonçant à accompagner le changement. « On ne change pas la société par décret » écrivait M. CROZIER. La négociation se glisse partout dans le quotidien des organisations. Les managers doivent également résister à la tentation « d’avancer maqué » pour préserver la confiance et l’implication collective à moyen terme. Communiquer ne suffit pas, argumenter, débattre sont nécessaires pour renforcer l’acceptation de l’autorité.

Destin individuel et action collective

L’affaiblissement des syndicats laisse désormais penser que l’expression individuelle des salariés l’emporterait sur l’action collective dans la majorité des entreprises. Les collectifs de salariés qui se manifestent ici et là, la progression de la CFDT et de la CFE-CGC dans certains secteurs traditionnellement dominés par la CGT (Télécom, Energie) mettent en évidence un mouvement de recomposition. En élargissant leurs thématiques aux questions sociétales, la CFDT et désormais la CGT, tentent de renouer avec les nouvelles générations. Actions individuelles et collectives ne s’opposent pas(plus) dans les entreprises, elles se complètent souvent, s’agglomèrent parfois.

Désenchantement, sentiment de déclassement et inquiétudes face à l’avenir, ne se dissiperont pas facilement. Les entreprises ne détiennent pas toutes les réponses. En contribuant à réduire les incertitudes pour les salariés et à satisfaire leur aspiration à un travail utile, reconnu et réalisé dans des conditions acceptables, elles peuvent toutefois éviter que les fractures sociales ne s’accentuent encore.

Nicolas MADINIER
Dirigeant Fondateur de NMSC Conseil en stratégie sociale et accompagnement de la transformation