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Le retour des conflits sociaux dans les entreprises : comment répondre à l’ensemble des attentes des salariés ?

L’embellie économique et la flambée des prix entrainent un retour des conflits sociaux dans les entreprises. Les attentes salariales n’en sont pas la seule cause. Organisation du travail, comportement managériaux et incertitudes sur l’avenir sont également à l’origine de débrayages spontanés ou de grèves replaçant les organisations syndicales en position de peser dans les négociations.

Largement épargnées par les mouvements sociaux d’ampleur de ces dernières années qui ciblaient en priorité le pouvoir politique, les entreprises renouent désormais avec les conflits sociaux. Il s’agit certes dans de nombreux cas de débrayages pour peser sur le déroulement des négociations salariales. Mais au-delà de ces revendications « classiques » en période de reprise économique, s’expriment d’autres attentes qui méritent que l’on y prête attention.

Le refus du retour à « l’anormal »

Le retour au monde « d’avant », celui du contrôle des coûts et de l’exigence de performance suscite critiques et oppositions. Face aux absences non remplacées et au fonctionnement en mode dégradé, de nombreux salariés qui semblaient auparavant résignés, marquent leur rejet de contraintes budgétaires.

Celles-ci sont d’autant plus mal supportées par les salariés des grands groupes dont les bénéfices progressent fortement. Quand le discours managérial cherche maladroitement à occulter la réalité perçue sur le terrain, il renforce à la fois la défiance vis-à-vis des dirigeants et nourrit le ressentiment du corps social. La loyauté vis-à-vis de l’entreprise se manifeste là où la sincérité des dirigeants fait écho aux critiques et aux propositions qui émanent des salariés et de l’encadrement.

Temps de travail et temps au travail, entre le trop et le pas assez

Le recours massif au télétravail pendant la crise sanitaire pour les salariés des sièges et des back office a conduit à franchir un nouveau palier dans la réduction du temps de présence « au bureau ». Pour une partie des salariés le temps de travail devient ainsi de moins en moins un temps au travail. Cette évolution suscite en retour l’opposition des salariés à temps plein de la « 2ème ligne » à toute modification du rythme de travail qui entrainerait la perte de jours RTT. La question du nombre de jours travaillés devient ainsi un enjeu crucial comme l’ont illustré récemment les grèves à répétition qui ont perturbé la collecte des déchets dans la métropole marseillaise.

A l’inverse, d’autres secteurs recourant à des horaires fragmentés peinent à recruter ou à conserver des salariés qui refusent une organisation du travail contraignante associée à un faible nombre d’heures rémunérées. Le relèvement des minima des conventions collectives parfois inférieures au SMIC, apporte un début de réponse. L’enjeu d’une trajectoire ascendante des rémunérations tout au long de la vie professionnelle, pour ces métiers relativement moins qualifiés, reste cependant encore largement à traiter par les partenaires sociaux.

Les hausses de salaire ne suffiront pas

Le décalage significatif entre l’inflation perçue et celle mesurée par les statistiques officielles, conjuguée aux propositions de revalorisation des salaires portées par nombre de candidats aux élections présidentielles, rendent par avance la conclusion des négociations salariales en cours insatisfaisante pour les salariés concernés. Les augmentations accordées dans un contexte d’inflation des matières premières et de l’énergie, s’accompagneront par ailleurs de nouveaux efforts de productivité pour préserver la compétitivité, au risque d’accentuer les exigences de performance et de rendre plus incertaine l’atteinte des objectifs de fin d’année. De quoi alimenter de nouvelles tensions en début d’année prochaine et une bonne raison pour développer d’autres formes de reconnaissance et d’incitation à la coopération.

Incertitudes et horizon de temps

Après avoir été beaucoup critiquées parce qu’elles privilégiaient un horizon financier de court terme, les grandes entreprises s’engagent de plus en plus dans la voie de la transition énergétique et écologique en planifiant des programmes d’investissement importants. Ironie de l’histoire, c’est précisément au moment de ce tournant historique que la montée des incertitudes accentuée par la crise sanitaire, conduisent les salariés à exprimer plus fortement des attentes de court terme. Plus que jamais, parvenir à réarticuler ces différents horizons devient un enjeu majeur, ce que le « moment » des gilets jaunes a déjà mis en évidence.

Calendrier et méthode de négociation au sein des entreprises sont ainsi à repenser, en s’efforçant de mieux anticiper et prévenir les facteurs de tensions, de présenter les différents scénarios envisageables et leurs conséquences et en accordant davantage de temps à la recherche d’accords co-construits.

Nicolas MADINIER
Dirigeant fondateur NMSC Conseil en Stratégie Sociale et Accompagnement de la Transformation